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1792

François Guéroult (1745-1804), architecte et entrepreneur rouennais, acquiert en 1792 l’abbaye de Fontaine-Guérard, son moulin à blé et ses prairies. La même année, il lance la construction d’une importante filature de coton mécanique à l’emplacement du moulin abbatial. Cette usine (aujourd’hui disparue), entraînée par une roue hydraulique et une machine à vapeur, constitue le premier exemple de filature de coton mécanique édifiée dans la vallée de l’Andelle, où l’industrie textile est présente depuis le XVIIe siècle.

1810

Au début du XIXe siècle, l’activité textile explose notamment en raison de l’engouement de la population pour les tissus en coton. Adolphe Guéroult, resté seul à la tête de l’entreprise après le décès de son père, agrandit le site afin de diversifier la production. À côté de la filature de coton, il fait construire en 1810 une filature de chanvre ainsi qu’une filature et un tissage de laine. En 1815, le domaine de Fontaine-Guérard concentre cinq usines textiles où près de 500 ouvriers travaillent quotidiennement. Il est ainsi le territoire (non urbanisé) le plus industrialisé de la vallée de l’Andelle.

1820

La concurrence des pays étrangers précipite toutefois l’entreprise Guéroult dans la faillite. 

Le baron Édouard Jacques Levavasseur (1777-1842), négociant-armateur havrais, fondateur de la filature de coton du Houlme (76), se porte alors acquéreur du domaine industriel de Fontaine-Guérard qui s’étend sur 18 hectares. L’année suivante, il rachète le moulin du Pont établi sur la commune voisine de Radepont. Le domaine ainsi agrandi retrouve sa vigueur industrielle et comprend, en 1836, cinq usines actionnées par la force hydraulique, dont trois filatures (une de laine et deux de coton). 

1842-1843

Édouard Jacques Levavasseur meurt en 1842. Charles, son fils cadet, hérite du domaine et reprend l’exploitation des usines en place. En 1843, il rachète l’ensemble du domaine de la famille Dubosc de Radepont, à savoir le château bâti en 1788, dont il fait sa demeure, et les terres attenantes. Il devient alors l’unique propriétaire des rives de l’Andelle, de Radepont à Pont-Saint-Pierre, sur une distance de 5 km.

1845

Principal fléau dans l’industrie textile, plusieurs incendies se succèdent et mènent à la disparition de toutes les usines du domaine de Fontaine-Guérard. 

L’abbaye en revanche existe toujours et, depuis 2013, elle appartient à un propriétaire privé et est ouverte au public presque toute l’année. 

+ d’infos sur : http://www.abbayefontaineguerard.fr.

1851-1855

Pour remplacer les usines disparues, Charles Levavasseur projette la création d’un nouvel établissement dès 1851. Celui-ci implique le percement d’un immense canal d’alimentation et la création d’un barrage capable de produire une chute d’eau puissante. L’eau joue en effet un rôle essentiel dans la composition du paysage industriel normand et le site de la famille Levavasseur ne fait pas exception : il fonctionne essentiellement grâce à la force hydraulique. Le projet imaginé par Charles est autorisé par arrêté préfectoral en 1855, malgré l’opposition des industriels en aval et en amont, qui craignent que leurs propres usines soient inondées ou asséchées et qui, au cours des années suivantes, se plaignent à de multiples reprises des nuisances créées par la nouvelle usine.

1861-1868

Le projet qui voit finalement le jour est d’encore plus grande envergure. Charles Levavasseur fait construire plusieurs bâtiments, dont deux usines : une immense filature de coton et une plus petite, toutes deux bâties dans un style néogothique. La première, ressemblant à s’y méprendre à une cathédrale, est achevée en 1861 et la seconde, destinée au tissage, en 1868. Ce projet est monumental par les investissements financiers nécessaires pour le concrétiser, mais aussi par sa puissance de production, sa modernité technologique et ses dimensions : l’usine-cathédrale fait 96 m de long et 36 m de hauteur et s’élève sur 5 niveaux. Elle est alors l’une des plus grandes filatures de France. 

1861-1874

Dès sa mise en activité, la filature Levavasseur se heurte à une crise cotonnière. Celle-ci est due, d’une part, à la concurrence des cotonnades anglaises et, d’autre part, à l’arrêt des importations de coton américain à cause de la guerre de Sécession (1861-1865). La pénurie de matière première entrave l’activité de la filature, dont toutes les machines ne peuvent pas être alimentées. En 1868, l’effectif ne dépasse par conséquent pas les 155 ouvriers (dont des femmes et des enfants), alors que l’usine était conçue pour employer 600 personnes.

1874

Alors que le contexte économique se rétablit enfin, un violent incendie se déclenche dans la filature-cathédrale. Le feu est probablement provoqué par l’effet de loupe produit par les vitraux des rosaces sur les balles de coton stockées dans les combles. En quelques heures, l’usine est presque entièrement détruite, laissant seulement les ruines que l’on connaît encore aujourd’hui. Par chance, aucune perte humaine n’est à déplorer, car l’incendie s’est produit un dimanche, seul jour de repos du personnel ! Cet évènement est très marquant pour les habitants de la vallée et la presse locale publie plusieurs articles sur cet incendie impressionnant. 

1874-1894

Dans l’impossibilité financière de faire reconstruire la grande filature après cet incendie, Charles Levavasseur transfère la production dans la « petite filature », qui a été épargnée par les flammes. Ce bâtiment, également construit dans un style néogothique, a tout de même des proportions impressionnantes, s’élevant à 24 m de hauteur. Lors du décès de Charles Levavasseur en 1894, son fils, Charles-Arthur, prend la direction de l’entreprise et y poursuit l’activité textile.

1913 malediction feu continue

1913

En 1913, la petite filature est touchée par un incendie. Partiellement détruite, elle est rapidement remise en activité et occupe de nouveau 160 ouvriers.

1923

En 1923, Jacques Levavasseur succède à son père. Pour alimenter la filature en énergie, il fait construire une centrale hydro-électrique et un bâtiment pour les moteurs Diesel. Ces nouvelles formes d’énergie font disparaître l’énergie thermique et les machines à vapeur utilisées jusqu’alors, désormais jugées comme étant trop dangereuses. Ces deux bâtiments, qui existent encore aujourd’hui, sont construits dans le style industriel de cette décennie, à savoir en béton armé.

1930-1946

À partir de la fin des années 1930, Bernard Levavasseur devient directeur de l’entreprise. Il assure cette fonction jusqu’en 1946, date à laquelle la petite filature est à son tour entièrement détruite par un incendie. Le site ferme alors définitivement. 

1960

Dans les années 1960, le site, qui comprend les ruines de la grande filature et de la petite filature, un bâtiment de stockage (dit de l’horloge), un atelier de réparation-forge, une réserve, un bâtiment des machines, une centrale hydroélectrique, la maison du directeur et quelques maisons ouvrières, est vendu par lots par les héritiers Levavasseur. La maison du directeur et les logements ouvriers sont rapidement achetés. La centrale hydroélectrique, toujours équipée d’une turbine tourbillon à hélice, est désormais exploitée par la Régie d’électricité d’Elbeuf, qui l’achètera quelques années plus tard. Les autres bâtiments du site restent toutefois à l’abandon.

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1995

Le site de la filature se dégrade progressivement. En 1995, l’Établissement Public de la Basse Seine (actuellement Établissement Public Foncier de Normandie) décide de protéger ce patrimoine, témoin de l’activité industrielle de la vallée de l’Andelle au XIXe siècle. Il se porte donc acquéreur du site, au titre de la politique régionale des friches. Il y engage les travaux les plus urgents (consolidation, défrichement, réfection de certains bâtiments) avant de proposer le rachat du site à une collectivité.

1999

En 1999, le Conseil général de l’Eure se porte acquéreur de l’usine-cathédrale et de ses annexes afin d’assurer à la préservation de ce patrimoine exceptionnel. 

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2021

Le Département de l’Eure souhaite pouvoir ouvrir plus largement le site au public et davantage le mettre en valeur, ce qui implique d’abord d’effectuer des travaux. En 2021, le Département sollicite la mission Stéphane Bern. La filature est sélectionnée et reçoit ainsi un financement pour sa sauvegarde.

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2022

L’ouverture de la filature lors des Journées européennes du patrimoine 2022 marque la renaissance de ce site exceptionnel. Le public peut le découvrir grâce à des visites guidées, tandis que l’installation de Sébastien Preschoux dans la salle des machines donne une nouvelle vie à ce bâtiment. 

2024

Les incendies successifs qui ont frappé la filature Levavasseur ont effacé une partie des traces de son histoire. À l’occasion des 150 ans du grand incendie qui a touché la filature Levavasseur et afin de compléter l’histoire de ce site, le Département fait appel à tous ceux et à toutes celles qui conservent des souvenirs et/ou des documents concernant la filature et qui souhaitaient les partager. Plusieurs journées d’ouverture permettent au public de se rendre sur le site, qui est également mis en valeur grâce à des créations musicales.